Gestion financière, perception des charges communes, supervision des travaux d’entretien et de réparation de l’immeuble… Confier la régie d’une copropriété à un gestionnaire externe est une solution courante, mais pas sans risques. Voici tout ce que vous devriez savoir avant d’en engager un.
«Nous avons vécu un véritable cauchemar au cours des cinq dernières années », raconte Sylvain (nom fictif), propriétaire d’un condo à Montréal. Il n’y va pas par quatre chemins pour qualifier la relation avec le gestionnaire privé qui administrait le bâtiment.
« Cette personne, qui travaillait seule, a accepté de nombreux contrats de gestion, et c’est là que les problèmes ont commencé. Elle ne répondait plus aux appels ni aux courriels, le suivi des sinistres s’étirait dans le temps, les comptes étaient en souffrance… Bref, le gestionnaire ne gérait plus rien », explique le copropriétaire.
Les récits de mauvaise gestion ne sont pas rares. En 2012, l’affaire Jacques F. Paquet, ce gestionnaire de condos, ancien président de l’Association des propriétaires et résidents de L’Île-des-Soeurs, avait défrayé la chronique. L’homme avait abusé de la confiance de plusieurs syndicats de copropriété et détourné des milliers de dollars. Reconnu coupable de ces méfaits, il a été radié de l’Ordre des administrateurs agréés du Québec (AdmA) et condamné à rembourser les montants détournés.
Encadrer la profession
À l’époque, plusieurs organismes, dont l’AdmA et le Regroupement des gestionnaires et copropriétaires du Québec (RGCQ), ont réclamé un encadrement de la profession à l’Office des professions du Québec (OPQ). L’OPQ a émis un avis favorable, mais cette requête n’a jusqu’à présent pas abouti. La gestion de copropriété n’est toujours pas une pratique exclusive à un ordre professionnel et si certains gestionnaires de copropriété sont membres de l’AdmA, c’est sur une base volontaire.
Le Code civil du Québec permet que l’administration courante d’une copropriété soit confiée à une entreprise privée, mais en dehors de cela, « les gestionnaires ne doivent répondre à aucune exigence pour prendre en charge la régie d’une copropriété », confirme Francine Sabourin, directrice générale de l’AdmA.
Si l’« affaire Paquet » demeure une exception par son ampleur, les administrateurs doivent prendre des précautions lorsqu’ils souhaitent engager un gestionnaire privé. Me Yves Papineau, spécialiste en droit immobilier et de la copropriété et administrateur du RGCQ Montréal, affirme qu’il existe « de nombreux professionnels extrêmement compétents et des moyens faciles de vérifier leur qualification ». Voici comment.
1. Pourquoi faire appel à un gestionnaire de copropriété ?
Parce que le bénévolat a ses limites ! Denis Bergeron, membre actif du syndicat de sa copropriété de 108 logements située à Aylmer, a évalué que l’implication des copropriétaires bénévoles représentait en tout environ 1 500 heures par an. De quoi décourager bien des bonnes volontés.
« En payant les charges de copropriété, les gens pensent qu’ils n’ont plus rien à faire, explique Denis Bergeron. Or, c’est faux. S’impliquer dans le syndicat de copropriété [ce qui n’est pas obligatoire] est aussi une façon de préserver et de valoriser leur bien. »
Car la façon dont est gérée une copropriété a aussi une incidence sur sa valeur et sur le prix de revente des condos. Dans les immeubles qui comptent moins de 20 logements – c’est le cas de plus de 80 % des copropriétés au Québec –, les copropriétaires choisissent souvent de s’occuper eux-mêmes de la gestion. Mais les volontaires n’ont pas toujours les compétences requises, par exemple en gestion financière ou en techniques du bâtiment, ni le temps pour le faire.
Le syndicat peut alors décider de déléguer la gestion de la copropriété à une firme externe. « Le but est de décharger les membres du syndicat et non de s’y substituer », rappelle Me Papineau.
2. Quel mandat confier au gestionnaire ?
Définissez d’abord vos besoins, conseille Francine Sabourin : le syndicat doit établir les tâches dont il souhaite se départir et déterminer les sommes que les copropriétaires sont prêts à engager pour les services d’un gestionnaire (voyez le point 4, « Combien ça coûte ? »).
Vous pouvez lui confier la gestion pleine et entière de la copropriété, ou encore limiter son mandat à la gestion financière de l’immeuble, par exemple.
Voici quelques exemples de charges :
Charge administrative : Très fastidieuse, elle comporte de nombreuses obligations :
- Préparation des documents relatifs aux assemblées annuelles ou des copropriétaires ;
- Rédaction des procès-verbaux d’assemblée ;
- Tenue du registre de copropriété ;
- Réception des demandes des copropriétaires et leur transmission aux administrateurs ;
- Suivi des contrats (d’assurance, par exemple), etc.
Charge financière : Il ne faut pas la déléguer de façon pleine et entière au gestionnaire pour écarter tout risque de dérapage dans la tenue des comptes, voire de détournement de fonds. Le syndicat devrait administrer les finances en étroite collaboration avec le gestionnaire. Voici quelques-uns des mandats que le gestionnaire peut assumer :
- Tenue de la comptabilité courante ;
- Préparation des budgets prévisionnels (avec opérations courantes et fonds de prévoyance) ;
- Répartition des charges entre copropriétaires (en fonction des quotes-parts) ;
- Perception des charges communes ;
- Dépôt de la déclaration de revenus annuelle, etc.
Charges technique et immobilière : Le gestionnaire a le mandat de chercher des contrats de service pour l’entretien et les réparations de la copropriété (déneigement, entretien paysager, etc.). Il présente un rapport aux administrateurs qui, en dernier ressort, décident qui ils retiennent pour réaliser les travaux. Voici quelques-uns des mandats que le gestionnaire peut assumer :
- S’assurer qu’une inspection périodique de l’immeuble est réalisée ;
- Établir et tenir à jour le plan de gestion des actifs (les travaux d’entretien programmés sur 10 ou 20 ans), le carnet d’entretien et l’étude du plan de prévoyance (les fonds épargnés en vue des travaux d’entretien du bâtiment) ;
- Superviser l’ensemble des travaux d’entretien et de réparation de la copropriété ;
- Assurer le suivi en cas de problème.
3. Comment trouver le bon gestionnaire ?
« Il faut trouver au moins trois soumissionnaires, explique Me Asma Kochbati, directrice générale adjointe de l’Association des syndicats de copropriété du Québec. Vous pourrez comparer les tarifs et les services proposés, certains [gestionnaires] étant davantage spécialisés dans la gestion financière ou administrative. »
Si le gestionnaire est un individu (et non une entreprise) membre de l’AdmA, ordre qui regroupe des administrateurs de tous horizons (assurance, comptabilité, fiscalité, gestion immobilière, planification financière, etc.), il est soumis à un code de déontologie et à une réglementation professionnelle. Francine Sabourin précise que le public, donc les copropriétaires par l’intermédiaire de leur syndicat, peut porter plainte auprès du syndic de l’Ordre si une situation conflictuelle se présente. En cas de problème (une fraude, par exemple), les copropriétaires bénéficieront d’une indemnisation. Cependant, à peine une trentaine de gestionnaires de copropriété québécois sont membres de l’AdmA.
Me Papineau recommande de demander plusieurs références aux soumissionnaires : « Vérifiez auprès d’autres syndicats de copropriété s’ils sont satisfaits des services de ces personnes ou entreprises. » Vous pouvez également faire inscrire dans le contrat une obligation de présence du gestionnaire dans votre copropriété une ou deux fois par semaine afin de vous assurer qu’il s’occupera de vos dossiers, recommande Me Kochbati. Enfin, vérifiez si les soumissionnaires ont été poursuivis ou ont fait l’objet de condamnations en consultant le site citoyens.soquij.qc.ca.
4. Combien ça coûte ?
Les tarifs sont calculés par « porte ». Plus la copropriété compte de logements ou plus le mandat confié au gestionnaire est large (administratif, financier et technique), plus le coût total est élevé. En moyenne, il atteint de 30 à 35 $ par logement par mois.
Chaque gestionnaire établit aussi une tarification « à l’acte » selon les charges supplémentaires qui lui sont confiées, tarification qu’il doit fournir à l’avance. « Le gestionnaire peut facturer un montant supplémentaire si, par exemple, il prend en charge les dégâts d’eau, fait le lien avec les assurances, cherche des entrepreneurs pour les réparations, etc. », illustre Me Kochbati.
L’entente de gérance passée entre le syndicat de copropriété et le gestionnaire « doit prévoir la portée exacte et le coût des prestations offertes par le gestionnaire pour la gestion courante de la copropriété », précise le site CondoLegal.com, rédigé par des experts.
L’entente doit aussi indiquer la durée prévue du contrat, un an renouvelable, par exemple. Le site recommande de se méfier des tarifs trop bas, car « des honoraires médiocres sont souvent la cause de prestations bâclées ».
Me Kochbati rappelle que « le gestionnaire est un exécutant » et que « ce sont les administrateurs de la copropriété qui demeurent, en tout temps, décisionnaires et responsables ». Par résolution du conseil d’administration, certains syndicats délèguent au gestionnaire l’autorisation d’engager les dépenses. Il a donc le droit de signature sur le compte bancaire du syndicat. « Mais dans ce cas, prévient Me Kochbati, un administrateur, par exemple le trésorier, doit être nommé cosignataire afin de s’assurer que le gestionnaire n’engage pas une dépense de façon unilatérale. »
Article source ici (Vous devez être abonné Protégez-vous.ca)